Case Studies
July 2, 2018

Case #

2018.04

Accompagner une ville dans la préfiguration d’un Tiers Lieu

Début 2018, nous avons accompagné la ville de Marmande et l’office de tourisme Val de Garonne dans la préfiguration d’un lieu hybride dédié au futur des festivals sur une friche industrielle de 40.000m2. Cette phase de préfiguration visait à définir les conditions de faisabilité et de réussite du projet, à lancer une communauté tout en proposant un scénario pré-opérationnel. A l’abandon depuis 2009, cette friche est destinée à devenir un lieu d’émergence pour les industries créatives.

Pourquoi le projet CESAme ?

Cesa, c’est le nom de l’entreprise, spécialisée dans la conception et la fabrication de cuisines haut-de-gamme, qui était établie sur cet espace. Sa fermeture en 2009 avait causé le licenciement de 76 salariés. CESAme , c’est le nom du programme qui vise à faire de cette friche un lieu d’émergence pour les industries créatives. Le nom CESAme, pour « Citoyenneté » – « Economie » – « Social / Solidarités » – « Arts » – « Marmande » – « Écosystème », résume bien l’ambition affichée, celle de rassembler dans un seul et même lieu différentes dynamiques permettant de faire rayonner la ville de Marmande sur des thématiques identitaires bien identifiées. Pour Ouishare, participer à l’installation de ce projet s’inscrit dans la lignée de l’étude Sharitories réalisée en 2017. Celle-ci vise à définir des pistes d’action afin de mettre les pratiques collaboratives au service de la revitalisation des villes moyennes. CESAme nous fournit l’opportunité de tester nos préconisations, et de passer du côté de la réalisation.

Atelier 1

L’approche : ou comment un travail de préfiguration sert à créer les bases d’une communauté

Pour mener à bien ce projet, nous avons procédé en trois étapes :

  1. un diagnostic du projet et du territoire consistant en la réalisation de 24 entretiens. Nous avons interrogé d’une part les différents services de la Mairie, des représentants de l’agglomération Val de Garonne et d’autre part, des responsables d’associations locales. Cette récolte de données nous a permis d’alimenter une matrice SWOT (Forces / Faiblesses / Opportunités / Menaces ), ce diagnostic macro-environnemental a servi de base au projet.
  2. la conception et l’animation d’ateliers d’intelligence collective pour faire travailler d’abord séparément puis ensemble les usagers du lieu, les élus et les techniciens de la ville, et pour poser les bases de la communauté CESAme.
  3. la rédaction de préconisations. Pour cela, nous avons souhaité enrichir notre observation de terrain de l’avis d’architectes, de designers et d’urbanistes. Aussi, nous avons consulté 8 experts, dont Patrick Bouchain, architecte et à l’origine de nombreux tiers-lieux, Juliette Bompoint, directrice du lieu culturel Mains d’oeuvres à Saint-Ouen, mais aussi Emile Hooge, directeur associé de Nova 7 et Lisadie Dutillieux, urbaniste et architecte. Nous les avons interrogé sur des sujets tels que les modèles économiques des tiers lieux, la gouvernance et les permanences architecturales. Cela nous a permis d’identifier rapidement les écueils à éviter ainsi que les pistes à creuser.

Plusieurs compétences ont été sollicitées afin de mener à bien ces missions. Tout d’abord, notre capacité à concevoir et animer des ateliers qui favorisent la participation de tous. Au cours de ces 5 mois, ce sont près d’une centaines de personnes qui ont pris part de manière active et avec enthousiasme à notre cycle de cinq ateliers. Grâce à ce travail préparatoire, ces personnes ont commencé à tisser des liens, à entrevoir des projets et ont développé un sentiment d’appartenance au projet.

Atelier in-situ

Ce que nous avons appris

Le temps de préfiguration est aussi un temps de construction : ces 5 mois ont permis d’une part de créer des liens forts entre les différentes parties prenantes et d’ouvrir le lieu à ses premiers occupants, même si cela n’était que temporaire. En effet, les ateliers collectifs que nous avons organisés se sont déroulés dans l’usine en friche. Cela a permis une première appropriation du lieu et de le faire réapparaître dans le paysage local. Suite à cela, des associations locales y ont organisé des activités, des tournages… Par exemple, les Compagnons Batisseurs ont organisé un atelier pour remettre à neuf le showroom du lieu avec des jeunes du quartier.  L’école de danse ChoréA y a tourné un clip. Et une fresque participative a été initiée par l’artiste Mickaelle Delamé.

Le temps de préfiguration est aussi un temps de construction.
Fresque collaborative sur les murs du bâtiment

Tout peut et doit être questionné, y compris l’allocation des budgets. Inspirés par nos échanges avec Patrick Bouchain, nous nous sommes positionnés afin que les budgets d’aménagement et d’entretien prévus soient dédiés à l’occupation et l’activation du lieu. Pourquoi ? Parce qu’il est inutile voire contre-productif d’engager des travaux d’aménagement et de mise en sécurité du lieu avant d’en avoir identifié les usages potentiels. La commande publique limite de facto la capacité future à envisager de nouveaux usages inattendus. De plus, elle est souvent contraignante, les procédures empêchant la collaboration avec certains acteurs pourtant pertinents pour le projet ( ex. association de réinsertion).

Tout peut et doit être questionné, y compris l’allocation des budgets.

Le risque avec un projet émergent est de fonctionner avec une équipe qui n’est pas suffisamment structurée pour porter le projet. Définir une gouvernance a priori et clarifier les responsabilités de l’équipe noyau est une étape structurante indispensable afin de faciliter les arbitrages du quotidien. Aussi, afin d’assurer la bonne marche du projet, nous avons recommandé la mise en place d’un organigramme et le redimensionnement de l’équipe noyau.

Définir une gouvernance a priori et clarifier les responsabilités de l’équipe noyau est une étape structurante indispensable.

En attendant la prochaine étape

A l'heure du plan Action Coeur de Ville, Marmande semble avoir trouvé un nouveau cœur dans la ville. Plusieurs ateliers sont déjà annoncés et vont rythmer les prochains mois jusqu’à la réouverture : fabrication de mobilier, personnalisation des murs intérieurs… Le lieu accueillera également des réunions, des assemblées. Cette première étape aura porté ses fruits en faisant de cet espace un lieu de ralliement, de rencontres et de création.

Ce projet a été réalisé par Samuel Roumeau (samuel@ouishare.net), Yann Bergamaschi (yann@ouishare.net) et Clothilde Sauvages (clothilde@ouishare.net)

Crédits photo de couverture : Samuel Zeller

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